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Sacrilège...
« O, vous les plus impies, les plus sacrilèges de tous les hommes, quelle folie vous a pris, d’avoir une telle audace ? »
La voix divine retentit, puis les hurlements sans nombres des Parthes témoignèrent de leur terreur…
Sanctuaire des Grands dieux de Samothrace, 242, quelques instants auparavant
Orthoxane aimait les femmes et l’or qui plait aux femmes. Depuis bien longtemps, avec des amis n’éprouvant pas la peur d’Orzmud, il violait les sanctuaires et les tombeaux pour en prélever les métaux précieux. Il se souvenait avec allégresse avoir autrefois, à proximité des ruines de Persépolis, jailli dans la nuit une longue lame en main. Elle avait plongé dans le cœur des mages gardant les tombeaux. Puis, il avait pénétré dans la maison de ces mages bâtie sur la plate forme des tombeaux royaux. L’un après l’autre, les individus chargés du service funèbre des rois succombèrent… Orthoxane brisa le sceau du gardien posé sur l’ouverture du caveau et entra. Les torches crépitaient, jetant des flammes d’or sur les objets présents : quelques objets et armes. Ils n’avaient pas été les premiers… Mais le goût du sang était resté. Le meurtre de civils à Pergame. Les cris des femmes et des enfants violés. Sa jouissance de la souffrance... Et être payé pour ses crimes : Orthoxane aimait la guerre.
Le vent frais rappela Orthoxane à la réalité. L’armée des Parthes dormait, éloignée du sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace. Rien à craindre de ce côté-là. Comme toujours l’impunité et la richesse seraient son lot. La renommée du sanctuaire le rassurait sur la profusion des richesses à piller. Un sourire mauvais se dessina sur son visage en songeant à d’éventuelles vierges réfugiées ici. La petite troupe cheminait sur les pentes du mont où était bâti le sanctuaire. Trois terrasses étroites se succédaient, séparées par deux torrents dont les murmures plaintifs indiquaient le manque de force hivernal. « Même les dieux de la nature ne peuvent rien contre nous » songea Orthoxane en arrivant sur la première terrasse une fois enjambée le premier torrent. Il dépassa rapidement le premier autel aux sacrifices. La tension montait en lui, l’ivresse de piller, la soif de tuer. Son souffle s’accéléra. Derrière lui, ses compagnons ressentaient les mêmes envies.
Ils courraient malgré le chemin tortueux, franchirent les deux ruisseaux et parvinrent à la terrasse principale où s’élevaient les monuments…
Les Parthes ne regardèrent pas le bâtiment où ils entrèrent. Leurs mains passèrent avec avidité sur les décorations, les objets malgré la réprobation contenue dans le regard des bucranes, ces têtes sculptées de taureaux ornés de guirlandes. « Là » hurla Orthoxane dans un rire cruel et avide. « L’or » reprit une voix adipeuse derrière lui en se saisissant d’offrandes pesantes. « Il nous manque des prêtresses à violer » continua un autre. « Patience, nous n’avons pas fini de fouiller " ricana-t-il dans le silence nocturne.
Soudain, on entendit le son d’une syrinx. La musique les atteignit sans qu’ils puissent dire d’où elle venait. Au contraire de son effet habituel la syrinx ne charmait pas, mais effrayait ses auditeurs, comme l’aurait fait une trompette de guerre.
Orthoxane sentit le froid et le feu envahir à la fois son corps. Brusquement, Artabaze se tourna vers lui, le sourire qu’il connaissait bien sur ses lèvres « Je vais te violer avec mon poignard » hurla Artabaze en sa direction. Orthoxane blêmit puis jeta dans un réflexe sa lame sur son complice qui s’effondra. Tiridate pivota vers lui. Son regard errait comme celui d’un fou. Orthoxane le distingua un instant, puis il plongea son couteau sur son propre cœur comme s’il s’agissait d’une délivrance. Orthoxane sentit les prémices de la folie monter en lui. Son cœur battait jusqu’à écraser sa poitrine. A ses pieds Artabaze suppliait d’être achevé. Il délirait, parlait de femmes armées de torches et dont les chevelures roulaient d'innombrables serpents. Le violeur hurlait de ce contact invisible. Orthoxane et ses quelques compagnons se mirent à fuir.
Un bruit derrière eux, comme des sabots claquant. Il sentit une haleine sur son cou. Orthoxane ne voulait pas se retourner. Un cri horrible et un bruit d’homme qui chute, tête fracassée contre la pierre. Orthoxane accéléra encore. Les ruisseaux froids. Il sentit ses pieds couverts d’une masse reptilienne. Son compagnon Abulite se mit à crier, hurler. L’eau s’engouffrait dans sa bouche dans un gargouillis écoeurant. Orthoxane tourna légèrement la tête en continuant de courrir. Il lui sembla voir un serpent immense étouffer entre les anneaux formés par son corps trois de ses compagnons. Leurs membres contractés et les yeux révulsés, poitrines comprimées à la recherche d’air. Ses visions se télescopaient dans l’esprit d’Orthoxane.
« Bientôt libre » Songea-t-il soudainement en arrivant sur la première terrasse. Ils n’étaient plus que deux. « Les deux plus forts, les deux plus cruels » tenta-t-il de se rassurer. La syrinx retentit plus fort. Elle ne laissait plus de place au courage dans son corps. Il ne pouvait pas sortir d’ici à temps, à moins de… Orthoxane se retourna vers Pharnabaze, sans arme en main. « Tu resteras pour calmer le monstre. » L’autre s’avança vers lui, le regard haineux de peur. Ils se jetèrent l’un sur l’autre. Poings et ongles s’enfonçant mutuellement dans leurs chairs…
Lorsqu’au matin les Hellènes pénétrèrent dans ce lieu d’où les nombreux mais fatigués militaires Parthes ne voulaient rentrer, pour une raison que les habitants de Samothrace ne parvenaient pas à comprendre, ils invoquèrent Pan.
Devant eux, des hommes aux visages révulsés s’étaient entretués jusqu’à se déchirer de façon bestiale. Le dernier, seul et sanglant, figé dans la mort debout contre un mur, montrait sur son visage une terreur inhumaine.