[AB2] Mariages royaux en - 244

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Sinope - Hiver 244

En cette nuit de mariage, toutes les rues de Sinope retentissent des chants de fêtes et les hymnes, entonnés par une foule joyeuse, s'élèvent dans le crépitement des flambeaux de parade. Dans les temples brûlent l’encens odorant honorant les nombreux dieux des Hellènes. La richesse des cadeaux du roi Juba ajoute à la splendeur du mariage. Pharaon et sa fille regardent avec intensité l’ambassadeur du roi qui a autrefois vaincu l'armée d'Egypte. Prenant les devants, la nouvelle reine du Pont se lève avec grâce et adresse dans un sourire, de sa belle voix chantante, ses remerciements au roi Juba.

« Rendons grâce aux dieux qu’à la mort succède la vie, et le mariage suive la bataille. Le grand roi Juba honore ma famille par ces présents. C’est avec amitié que je les reçois et avec amitié qu’à mon tour je vous offre ce présent. »
D’un geste la reine demanda à ses serviteurs de lui apporter un riche péplos tissé par elle-même. Le tissu blanc semble irradier de lumière sous le flamboiement des torches. Un instant tous les Hellènes songent à ce duel entre Athéna et Arachné, lorsque la tisseuse avait défié la déesse aux yeux pers de réaliser un plus beau vêtement qu’elle. Battu, Arachné avait été transformée par Athéna en araignée fileuse. Mais, devant la magnificence du tissu, tous se demandent si Athéna n’a pas trouvé une rivale.

Les serviteurs ont disposé les instruments pour le sacrifice des taureaux blancs. La reine, dans son immense piété du peuple le plus religieux de la terre, surveille avec les prêtres les préparatifs. Le basileus ne peut s’empêcher de l’admirer, regardant la grâce de son cou blanc à l’image du cygne, la délicatesse de ses traits ou encore la blondeur de ses cheveux révélant l’origine macédonienne de la famille Lagides.

Les prêtres s’affèrent autour des deux puissants taureaux blancs. Les victimes sont parées. La corbeille servant aux préparatifs contient un couteau dissimulé sous une couche de grains d’orge mêlés de sel. Les somatophylactes entourent les personnalités royales avec encore plus de vigilance en songeant à cette arme. Puis, l’autel et les victimes sont aspergés par l’eau puisée dans le vase à eau lustrale. Des grains sont jetés par les prêtres sur l’autel avant la mise à mort des victimes.
Les têtes des taureaux blancs sont relevées, orientées vers le ciel. Les sons tirés par le joueur de flûte accompagnant la cérémonie sont soudainement couverts par le cri rituel lancées par les femmes au moment de l’égorgement des victimes.
Rapidement, les bêtes sont dépecées et partagées. La viande est consommée par les convives mais les viscères sont examinées par les prêtres. Le basileus et son épouse espèrent avec ferveur des dieux une postérité mâle pour assurer la dynastie. A l’écart des regards tournés vers les prêtres, leurs mains se rejoignent en un geste tendre, comme naguère Ulysse et Pénélope regardant Télémaque.

A la suite la réponse du roi Juba

Sinope - Hiver 244 :
Le roi Juba de Numidie, ne voulant pas se contenter de quelques mots, a dépêché un ambassadeur à la cour du Basileus. Celui-ci se présente en grande pompe à la cour de Sinope, entouré d'une suite nombreuse et richement parée afin de faire honneur à l'évènement.
S'étant respectueusement et longuement incliné devant le couple royal, l'ambassadeur déclame les voeux de bonheur et de mâle descendance de son roi aux jeunes mariés.

Puis, se retirant de quelques pas et faisant signe à l'un des membres de sa suite, il s'écarte pour cèder la place à une procession d'esclaves (eux-mêmes offert en cadeau) venant déposer des présents royaux au pied des souverains: armes finement ouvragées, poteries et étoffes précieuses, encens, graisses sacrées pour les offices religieux, épices et denrées rares venues du désert profond, ... Portées dans des cages, plusieurs bêtes féroces ou tout simplement rares et inconnues sont destinés à distraire les amateurs de jeux du cirque ou les curieux. Mené par un page, la procession s'achève par le plus majestueux des étalons blancs, recouvert d'étoffes rares.

A l'issue de ce défilé de présents, l'ambassadeur fait savoir qu'il a également emmené avec lui deux énormes boeuf blancs qu'il entend, avec la bénédiction du couple royal, sacrifier immédiatement aux Dieux pour attirer leurs faveurs sur cette union ...

Sinope - 244

L’immense tesseracontère dominait tous les autres navires. Le bâtiment amiral de la flotte égyptienne transportait Pharaon, l’œil de Rê, escorté par une multitude de bâteaux : octères embarquant un grand nombre de fantassins et des tours de jets, des trières ou encore des pentères de construction rhodienne avec une fleur de lotus en figure de poupe. Immense entre tous, la tesseracontère Ptolémaïque ne pouvait à cause de ses dimensions accoster au port. Flottant sur l’onde houleuse, les deux coques de la galère jointes par l’immense plate forme centrale abritaient le palais flottant où se reposait Pharaon.
Le navire amiral comportait une foule disciplinée, préparée à agir pour leur maître : deux mille rameurs prêts à saisir les avirons par leurs poignées, car les rames étaient si grandes qu’elles ne pouvaient être saisis directement… Ou encore les 2850 soldats : épibates équipés des thuréos, ce bouclier ovale en osier recouvert de cuir, mais aussi archers, peltastes ou encore servants des balistes et des pétroboles.

Le navire de guerre venait en paix. Pharaon en personne s'était déplacé pour célébrer le mariage du Basileus du Pont et de la princesse égyptienne Arsinoe.

Un nouvel esquif majestueux emmena la promise vers son futur époux. Elle resplendissait de beauté au sein de cet écrin préparé pour elle. La poupe du navire était d’or, les voiles de pourpre et les avirons d’argent. Le mouvement des rames cadencé au son des flûtes se mariait à celui des lyres et des chalumeaux. La princesse Arsinoé, parée à l’image d’Aphrodite à la chaste ceinture, était couchée sous un pavillon brodé d’or. De jeunes enfants, habillés à la façon des Eros, étaient à ses côtés avec des éventails pour la rafraîchir. Les servantes, magnifiquement belles et vêtues en Néréides ou en Charites, étaient les unes au gouvernail et les autres aux cordages.
Une fois à terre avec sa fille le pharaon salua son beau-fils avec une affection réciproque. Les deux souverains échangèrent des présents d’amitié et parlèrent longuement.

Le jour des noces vint. La liesse populaire est immense et les vivats éclatent dans les rues de Sinope. L’instant sacré du sacrifice aux dieux se déroule au palais royal, décoré de guirlandes de feuille d’olivier et de laurier.
Le palais royal de Sinope accueillait des convives venus de nombreux pays. Parmi eux les princes de sang : les rois d’Arménie et de Cappadoce, de Colchide et de Khartli avec leurs escortes parés d’armures étincelantes… Dans la salle du banquet les hommes sont placés à l’écart des femmes. Pharaon et le basileus dévisent joyeusement, le parochos – son garçon d’honneur – est placé auprès du jeune marié. Conformément à la tradition grecque l’épousée assiste au banquet, voilée, magnifiquement vêtue, une couronne sur sa tête. La jeune mariée est entourée de ses amies et a à ses côtés la nympheutria, une femme qui l’assiste dans les cérémonies du mariage.
Les rires s‘élèvent toujours plus fort, dans la fumée des bœufs gras et des multiples plats. Parmi les convives de jeunes garçons dont les parents sont vivants circulent. Ils offrent le pain dans des corbeilles tout en prononçant des formules rituelles. « J’ai fui le mal, j’ai trouvé mieux » disent-ils, et par ces mots ils rappellent certaines formules des religions à mystères.
Le repas s’achève. Les convives donnent alors de somptueux cadeaux à la fiancée égyptienne. Les courtisans Sosibios et Agathoclès ont rivalisé de luxe pour tenter vainement d’éblouir leur nouvelle souveraine. Dédaigneuse de ces jeux sordides du pouvoir, la jeune femme pudiquement dévoilée, sourit avec franchise à l’épouse secondaire du basileus, créant une étrange et forte complicité.
Enfin, le soir arrive. Un cortège royal se forme, conduisant symboliquement la fiancée de la maison de son père à celle de son mari, d’une aile du palais à l’autre, illuminée par les flambeaux.

Sources : Plutarque Vie d'Antoine pour le luxe égyptien, et divers pour la cérémonie de mariage grecque classique, pour la flotte lagide.