[AB2] (-242) - De la Théorie à la Pratique...

Théorie de Délos

« Sans doute les Cyclades méritent toutes d'être chantées, elles sont les plus saintes des îles ; mais Délos veut ton premier hommage. C'est elle qui reçut le dieu des poètes au sortir du sein de sa mère. »
Hymne de Délos par Callimaque


Sinope - Printemps -242 :

L’Argos et l’Apollon, deux des trières sacrées du royaume pontique, recevaient l’attention de la foule assemblée en masse sur le port de Sinope. Io Paean, Io Paean ! Les chants sacrés se suivaient, s’élançaient dans le ciel à la rencontre de la lumière du dieu brillant Phoibos-Apollon.
Les prêtres, vêtus avec dignité et sobriété, s’étaient de nombreuses fois purifiés avant d’embarquer en compagnie de personnes consacrées pour un voyage sans retour vers Délos.

La population, dans un mouvement spontané ne correspondant pas aux rites imposés mais à son affliction, avait apporté les symboles d’Apollon pour honorer le dieu solaire : des coqs et des éperviers voisinaient avec des corneilles et des cygnes et même des cigales entre les paumes d’enfants émerveillés ; des hommes et des femmes portaient des branches de laurier, de palmier et d’oliviers, mais aussi des hyacinthes et des héliotropes.
Les rhapsodes chantaient sur les quais les hymnes orphiques en l’honneur du dieu des poètes protecteur des arts. Le jeune Jason entendit parmi d’autres une déclamation d’Hésiode : « c'est par les Muses et l'archer Apollon qu'il est des chanteurs et des citharistes ».

La reine elle-même, protégée par ses somatophylaques de la foule affligée, pleurait au souvenir des atrocités sacrilèges commises à l’encontre des vierges sacrées d’Apollon lors de la seconde guerre d’Epire. Le basileus après consultation de l’oracle de Jason avait décidé de procéder d’accomplir des rites de façon à calmer le courroux de l’Archer divin. Le sacrilège immonde renforçait la conviction du basileus à se tenir éloigné de ce conflit ravageant les terres de l’Hellade, tuant sans pitié les Mortels mangeurs de pain...

Les navires de la théorie, l’ambassade sacrée, quittèrent les quais et voguèrent vers l’ancienne Ortygie, le lieu de naissance d’Artémis et d’Apollon. L’île désolée, flottante, avait accueillie malgré la colère d’Héra la mère des divinités. Latone avait alors pu enfanter à l’ombre d’un palmier ou d’un olivier les deux enfants de Zeus. En remerciement l’île d’Ortygie avait été fixée par Apollon au milieu des Cyclades, rangées en cercle autour d’elle.


Ortygie devenue Délos… Au terme de leur voyage les navires sacrés vinrent accoster au port de l’île sacrée. Les prêtres et les Vierges sacrées en provenance du Pont Euxin se rendirent alors aux tombeaux des Vierges Hyperboréennes. Autrefois deux couples de Vierges, Opis et Argé, Hypéroché et Laodiké, seraient venus du pays des Hyperboréens, au-delà du pays des Scythes, pour honorer Apollon et lui apporter des offrandes et seraient mortes à Délos. Les quatre jeunes filles du Pont Euxin étaient venues avec les prêtres se fixer à Délos pour adorer Apollon et le prier d’épargner les Mortels de son courroux. Les Grecs savaient par l’écoute des chants de l’Iliade combien le dieu archer pouvait frapper de la peste les sacrilèges et même ne pas s’arrêter à eux…

Dans le temple nommé Artémision, le tombeau des Vierges hyperboréennes était recouvert de boucles de jeunes Déliennes enroulées autour d’un fuseau, et de cheveux de jeune homme tressés autour d’une herbe verte. Les théores vénérèrent ces lieux avant de se rendre à l’autel d’Apollon. Les prêtres entamèrent alors le geranos ou danse de la grue, comme autrefois Thésée l’accomplit avec ses compagnons au retour de Crète.

Les marins quant à eux accomplirent ensuite un autre rite : Ils mordirent l’olivier sacré et se flagellèrent en faisant le tour de l’autel. Ils s’assuraient ainsi un bon voyage de retour vers le Pont Euxin. Mais, décidées à se consacrer au dieu brillant, les vierges pontiques ne reviendraient pas dans leur patrie…