| Au Temps des Diadoques Un temps où la guerre ravage le monde, Un temps où des hommes se déchirent pour le pouvoir, Un temps où des hommes luttent pour l'immortalité, mais aussi un temps de gloire et de triomphes, C'est le Temps des Diadoques |
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| [G&C] 1234 Les beautés du scriptorium. | |
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Corinthe Archonte
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| Sujet: [G&C] 1234 Les beautés du scriptorium. Sam 19 Mar - 15:40 | |
| 1234 Les beautés du scriptorium.
L'oblat regardait en se hissant le plus possible sur ses pieds le grand moine souriant en face de lui. L'enfant n'avait que onze ans lorsqu'il fut offert par sa famille au monastère deux ans auparavant. Plusieurs tuteurs s'occupaient de son éducation. L'un d'eux, le moine copiste Mieszko, veillait à sa découverte du savoir.
Bezprym, heureux, portait avec lui une belle plume d'oie. Il entra avec son tuteur dans le scriptorium pour continuer un apprentissage exigeant.
L'atelier de copie était agréablement chauffé pour éviter le gel de l'encre. Meublé de pupitres et de sièges, le scriptorium accueillait une douzaine de scribes travaillant en commun sous la direction de l'armarius, le moine chargé de la bibliothèque du monastère, un vieil homme nommé Jorgë.
Mieszko lui avait expliqué que de toutes les plumes utilisées : la sombre plume du corbeau et la blanche du cygne, celle du canard, du vautour et même du pélican, la plus appréciable était celle de l'oie. La sienne, la quatrième de l'aile gauche d'un jars, le remplissait de fierté. Avec soin le jeune scribe tailla sa plume avec un canif. Il s'absorba dans cette tâche, la taille déterminant le style d'écriture : un bec biseauté à droite donnant une écriture régulière, alors que le bec biseauté à gauche permettait une alternance de pleins et de déliés. Malgré tout ce soin, le jeune garçon savait que la plume s'userait vite.
Une fois la taille accomplie, Bezprym observa le matériel de Mieszko : l'encrier et les plumes, de la craie, deux pierres ponces, deux cornes, un canif pour tailler les plumes, mais aussi deux rasoirs pour racler le parchemin, un crayon de plomb, une règle...
Bezprym tourna dans sa main son grattoir, destiné à faire disparaître les erreurs d'écriture. Il admirait la dextérité de son tuteur traçant des lignes de plomb à la main pour régler la page, délimiter les marges, les colonnes de texte et réserver en blanc les emplacements destinés à l'illustration et aux lettrines.
Tout en plongeant sa plume dans son encrier, rempli d'une encre noire obtenue par la décoction de noix de galle à laquelle s'ajoutait du sulfate de plomb, Bezprym s'imagina disposer des couleurs de l'enlumineur... Il avait vu avec émotion les splendides décors des manuscrits. Tout au plus pouvait-il espérer bientôt disposer de l'encre rouge servant à indiquer au lecteur le titre de l'ouvrage et des chapitres.
Plus loin, dans le scriptorium, officiaient "l'enlumineur de lettres", le scribe se contentant de décorer les lettres; "l'enlumineur de bordures" décorant les marges et l"historieur" ou "peintres d'histoires" composant les scènes historiées.
Bezprym imagina les animaux et les hommes s'adaptant à la forme d'une majuscule, le R devenant ainsi un affrontement entre un chevalier et un dragon...
Mieszko le regardait en souriant. Lui aussi connaissait ses rêves...
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| | | Corinthe Archonte
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| Sujet: Re: [G&C] 1234 Les beautés du scriptorium. Sam 19 Mar - 15:43 | |
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Les trésors de la bibliothèque
L'armarius, le chef de l'atelier, vérifiait le travail de tous. D'une belle encre rouge il ajoutait les mots oubliés ou soulignait les mots erronés par une rangée de points. Bezprym redoutait son regard avisé sur son travail tout en espérant secrètement être un jour félicité par Jorgë.
Le vénérable moine prenait ensuite les livres achevés pour les déposer dans des coffres au sein du scriptorium ou encore dans la sacristie. L'oblat pouvait d'un rapide regard apercevoir les reliures constituées par des plats de bois recouverts de cuir. Les textes précieux de la Bible, des écrits patristiques et même des classiques latins séjournaient dans ces coffres.
Bezprym connaissait la vigilance extrême de l'armarius sur ces dépôts, les livres étant précieux, tant pour leur savoir que pour leur beauté. Le revenu annuel d'une seigneurie en France était nécesaire pour l'achat d'Une Bible de grand format. De fait, pour copier trois feuillets un scribe devait consacrer toute une journée... Journée difficile comme l'exprimait les plaintes des scribes fugurant dans les colophons, ces petites notes en fin de manuscrit.
Le livre coûtait aussi cher à cause de son matériau : le parchemin. La chèvre ou le mouton donnait une qualité ordinaire: la basane, mais le velin venait de la peau d'un veau. Les parcheminiers préparaient la peau pendant plusieurs semaines...
Bezprym songeait à ces manuscrits de luxe teint en pourpre ou en noir dont les lettres étaient tracées en or ou en argent... Oui, les livres étaient très couteux et le vol une menace possible : un feuillet arraché pour la revente par un voleur et un savoir plus important que l'or disparaissait.
Aussi, lorsqu'un visteur se présenta guidé dans le scriptorium par l'abbé en personne Bezprym ne pouvait imaginer que ce fut pour prendre un livre. L'homme portait une longue cape et ses cheveux noirs coiffés au bol tombaient sur une nuque raide et un front étroit. Les traits secs de l'homme, son regard noir et dur n'inspiraient pas confiance à Bezprym.
L'Oblat regardait avec curiosité la scène : l'armarius livide. L'abbé droit et autoritaire. L'étranger arrogant dans ce lieu invitant à l'humilité.
Enfin, l'armarius céda. Il ouvrit un de ses coffres et sortit un livre. Bezprym étouffa un hoquet de surprise. Parmi les ouvrages dont disposait le monastère on comptait aussi des ouvrages classiques destinés à l'apprentissage de la langue latine. Bezprym avait admiré la décor particulièrement vivant et beau de ce livre d'histoire. L'oblat baissa la tête avec regret, ne voyant pas le cavalier sortir sous le regard navré de l'armarius.
L'abbé et Jorgé chuchotaient tout en se dirigeant en commun vers la porte. Il entendit lorsqu'ils passèrent près de lui quelques échos etouffés.
"combattre dans les forêts barbares, comme l'histoire de Varus contée dans ce livre. On ne refuse pas une demande de..."
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| | | Corinthe Archonte
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| Sujet: Re: [G&C] 1234 Les beautés du scriptorium. Sam 19 Mar - 15:44 | |
| Le coursier
Le cavalier chevauchait sans tenir compte de la fatigue meurtrissant son corps. Le vent frappait son visage, jettant contre sa monture et lui une poussière brûlante. L'homme pressa pourtant de ses talons les flancs de son coursier : il portait avec lui un objet précieux autant pour l'or de ses lettres que pour les précieuses connaissances qu'il contenait. L'homme ne connaissait pas Varus et la défaite ignomineuse subie dans la forêt de Teutobourg bien des siècles avant sa naissance. Cependant, la mission donnée par un proche du duc de le porter à un érudit souhaitant le consulter faisait pressentir au cavalier toute l'importance du manuscrit.
Les rues populeuses de Poznan, encombrées de marchands allemands, polonais et même hongrois ralentirent le voyageur. Il se mit bientôt au pas, gardant une main couverte de cicatrices sur un sac posé devant lui et son précieux contenu. Les brouhahas s'élevaient avec force. Là, un montreur d'ours provoquait l'admiration des badauds. Ici, une dame richement vêtue soulevait les plis de sa robe pour éviter de la tâcher dans les immondices couvrant les rues. Quelques cochons vagabondaient, suivant la tradition de laisser ces animaux dévorer les ordures.
Le duc de Grande-Pologne avait heureusement ordonné d'aménager les quartiers de sa ville, mais d'autres travaux devraient avoir lieu pour transformer les rues étroites bordées de maisons à colombages en grandes et belles voies. Les échoppes offraient un spectacle plus riant. D'agréables odeurs de nourriture montaient vers ses narines, mais l'homme ne voulait pas penser à sa faim ou à sa fatigue avant d'avoir accompli sa mission.
Enfin, un attroupements de jeunes gens turbulents signala au cavalier la proximité de l'université de Poznan. Le coursier grogna en tentant de se rappeler les consignes. L'université comportait plusieurs domaines d'études nommés trivium (grammaire, dialectique et rhétorique) et quadrivium (arithmétique,, géométrie, astronomie et musique) formant les sept arts libéraux. Mais, les écolâtres pouvaient non seulement aborder la théologie et les livres saints, mais aussi étudier l'histoire, la physique, la philosophie, la métaphysique (ou morale). Dans cette foule d'hommes, pour achever sa mission, il devait donner le livre à un individu adonné à l'histoire et décrit comme grand, blond, au nez fortement busqué .
Heureusement, un homme fatigué de ses longues d'attente et repondant à la description se tenait devant lui. Le cavalier amena son cheval et formula la première partie du code :"Martianus" "Capella" répondit son interlocuteur visiblement soulagé avant de recevoir le sac et son précieux livre dans ses mains. | |
| | | Corinthe Archonte
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| Sujet: Re: [G&C] 1234 Les beautés du scriptorium. Sam 19 Mar - 15:44 | |
| Université de Poznan
L'érudit se nommait Siemovit. De belle taille et la chevelure blonde, il aurait été beau sans ce nez trop busqué. Peut-être par dépit il tenta de compenser sa disgrâce physique par le charme de l'esprit. D'une famille marchande aisée il préféra la lecture des romans de chevalerie aux jeux de l'argent. Ne pouvant devenir chevalier, il se mit à vouloir enseigner sa passion et acquis une place à l'université. Cependant, les années passant, l'ambition se fit jour en lui.
Les maîtres donnaient oralement leurs cours, mais le programme d'étude comportait des manuls pour passer les examens. Et les étudiants prenaient des notes de cours ou de lectures. Le milieu était donc favorable pour le plan de Siemovit.
La bibliothèque de l'université était divisée en deux parties : la libraria magna ouverte à tous les écoliers où les livres sont attachés par des chaînes à des pupitres, et la libraria parva, une petite collection dont les ouvrages (manuscrits possédés en double ou textes peu utilisés) pouvaient être empruntés par les écoliers. Siemovit intrigua pour diriger cette petite bibliothèque.
L'homme voulait diriger un réseau d'espionnage. L'argent prodiguée par la Silésie, une nation ennemie de la Grande-Pologne l'assurait de parvenir à ses fins... Les allées et venues de jeunes étudiants dans cette bibliothèque, le prêt de livres pouvait permettre de faire passer nombre de documents.
Les ateliers urbains permettaient une copie plus rapide de livres. Mais leur contenu pouvait être lu par un oeil indiscret. Aussi, Siemovit eut-il une idée, les marges pourraient contenir des codes. L'usage fréquent d'abrégés pour économiser du papier pourraient cacher cela. De plus, les miniatures pourraient donner à voir ce qu'il ne pourrait écrire. Le manuscrit richement enluminé venant du monastère l'aiderait dans sa tâche. Heureusement il bénéficiait d'aides : financé par la Silésie, il avait l'appui du duc de Grande-Pologne.
Etre agent double avait de l'utilité, songea-t-il avant d'accomplir ses prières pour son âme et la victoire du duc de Grande-Pologne sur ses ennemis. | |
| | | Corinthe Archonte
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| Sujet: Re: [G&C] 1234 Les beautés du scriptorium. Sam 19 Mar - 15:45 | |
| Hiver 1238
Conte du scriptorium : Les paroles du silence
Le vent glacé de l'hiver frappait les hauts murs du monastère. Bezprym entendait les coups répétés des rafales s'acharnant sur l'édifice. Les tourbillons de neige s'abattaient sur les portes et les parois. L'haleine foide du vent s'insinuait par toutes les minces ouvertures vers l'extérieur : sous les portes, par les fénêtres en haut des tours. Le vent sifflait et luttait contre les immenses cheminées brûlantes du scriptorium.
La pièce comportait trois cheminées dans lesquelles le bois craquait et flambait. le feu était nécessaire pour éviter que l'encre ne gèle. Bezprym aimait cette pièce et la lecture des livres. Une grande plume d'oie en main, le jeune moine érudit traçait des lettres noires dans l'anciene écriture caroline, qu'il jugeait plus lisible et agréable.
La lecture des manuscrits de la bibliothèque du monastère enflammait l'imagination de l'oblat. Ses yeux flamboyaient et il en oubliait jusqu'à la froidure hivernale. Quelques compagnons, oblats comme lui, partagaient cette animation intérieure, mais ils ne pouvaient en parler dans le scriptorium où les paroles devaient être rares et utiles.
La lecture silencieuse était la règle parmi les moines copistes. La communication entre eux s'opérait par signes. Lorsque l'un d'entre eux avait besoin d'un nouveau livre à transcrire, il faisait le geste de tourner des pages imaginaires; il demandait un missel au moyen du signe de la croix et au contraire un ouvrage païen en se grattant le corps comme un chien; il indiquait un lectionnaire en faisant semblant de moucher des chandelles ; enfin, il obtenait un psautier en posant ses mains sur sa tête en forme de couronne, en référence au roi David...
Puis venait le soir. Bezprym se retirait alors dans sa cellule. Sa couchette rudimentaire lui offrait néanmoins davantage de confort que les bancs et pupitres de bois de la journée. Assis sur son lit, vêtu de son habit, un oreiller blanc derrière le dos et les jambes entourées d'une couverture, le moine lisait. Un rideau, séparant son lit du reste de la chambren est relevé. Bezprym, luttant contre le froid, a cherché refuge dans la chaleur de sa chambre. Malgré l'hiver, l'oblat travaille à ses lectures avec calme et bonheur. Sur une table à tréteaux trois livres sont ouverts, tois autres sont placés sur ses jambes, prêts à être consultés. Une double tablette de cire et un stylet sont dans ses mains, un sourire de bonheur serein sur ses lèvres...
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