-243 DECOUVERTE DE SINOPE
Sinope - Palais du Basileus - -243
La basileia s’avançait entre les servantes empressées, les domestiques attentifs et les courtisans déférents. Tout cela ennuyait la reine. Comment pouvait-il être possible de ne rien faire toute une journée sauf parler pour ne rien dire et s’empiffrer de gâteaux au miel. La jeune reine s’élança hors du gynecée royal, ne respectant aucune des règles en usage, et demanda à voir son époux.
Mithridate vit son épouse venir à lui dans tout l’éclat de sa beauté. Les ors de ses vêtements resplendissaient moins que son visage encadré par sa longue chevelure blonde. Il sut en cet instant qu’il ne pourrait rien refuser à ses lèvres rouges comme la pourpre…
Les somatophylaques accompagnaient la reine du Pont Euxin dans sa visite de Sinope. La souveraine, accompagnée de quelques servantes, voulait tout connaître de sa nouvelle capitale.
Un cynique, disciple de Diogène de Sinope, apostropha la reine dans ses déambulations. « Est-il nécessaire au luxe, pour se sentir vraiment riche, de côtoyer la pauvreté ? » L’homme, vêtu d’un simple himation, ne voulait rien de plus pour lui que sa main comme coupelle pour boire l’eau ou se nourrir. La reine sourit et s’approcha de lui avec assurance. Elle lui répliqua que la vraie richesse des rois était la prospérité de son peuple. L’homme fut un instant troublé par ce regard fier dardé sur lui, ainsi que par le large geste qu’elle fit, montrant l’agora de Sinope.
La ville, occupant le col d’une presqu’île, était ceinte de puissants remparts, décorée de beaux monuments ornés de péristyles. Mais c’était dans l’agora que l’activité des négociants se voyait le mieux. Les marchands échangeaient couvertures, manteaux et bonnets d’hermine, mais aussi de lourds boisseaux de blés du Pont Euxin. De plus loin, venaient les paniers emplis de cerises de la ville de Cérasonte d’où le fruit trouvait son origine, les fourrures du terroir de la ville d’Ancyre, dont les chats et les chèvres ont les poils longs et soyeux… de nombreux tissus, teint en vermillon grâce à la terre de Sinope, fournissaient également les étals. Parmi les produits figuraient encore vins, huiles, fruits secs et bois de construction où encore thons.
La reine visita le gymnase et admira l’éducation donnée aux Hellènes par les plus doctes des savants du Pont Euxin. Elle réfusa d’écouter les peurs de son entourage et tint à visiter également les malades. Elle offrit elle-même de nombreux présents aux personnes soignées. Les médecins d’Aesclépios lui rendirent hommage et dirent combien ils appréciaient cette ville dont, à côté du précieux sylphium venus de Cyrène, ils utilisaient le castoréum. Ce produit de la pharmacopée était issu des testicules de castor et rendu célèbre par la fable d’Esope Le Castor et les chasseurs. Avec douceur elle parla aux réfugiés des guerres, et pâlit comme son entourage de rage et de honte à l’évocation des viols envers les Vierges sacrées d’Apollon.
La reine ne pouvait terminer son périple de découverte sans se rendre dans les sanctuaires de la cité. Elle honora le temple oraculaire d’Autolyque l’argonaute, fondateur de la cité avant de consulter l’oracle de Jason. Enfin, aux abords de la ville, elle sacrifia dans le temple de Zeus-Hadès, sur l’autel en dessous de la statue colossale unissant les caractéristiques des deux divinités.