-251 - Nouvelles de Parthie...
Premiers jours du printemps -251. Sud de la Parthie.
Antiochos, du haut de son cheval de bataille contemplait la route poussiéreuse sur laquelle progressaient les colonnes de l'armée de l'Indus.
Rapidement reconstituée, par la grâce de l'or et de la puissance Séleucide, l'armée de l'Indus revenait au nord de l'Atrak.
"La défaite de l'année passée n'est qu'une péripétie infligée par les Dieux" songeait le Roi des Rois.
Il avait du prendre lui même la tête de cette concentration des nombreux contingents de l'Empire.
Asabaris de Bactriane et Arstibaras d'Assyrie aux armures de feutres multicolores, caracolant sur leurs somptueux coursiers, Takabara de Commagène dont les lances paraissaient une forêt en marche, Sparabaras de Mésopotamie en formations serrées et, au coeur de la colonne, escortant les équipages royaux, les Argyraspides et les Hypaspistes !
Elite de l'infanterie d'Antiochos dont les boucliers argents et blancs formaient la principale force de frappe de cette armée tout juste levée.
L'esprit d'Antiochos fila, tel un aigle, loin au delà des files de fantassins et des ilés de cavaliers.
Il enrageait de devoir arpenter la Parthie à la poursuite de cet Arsaces et de ses cavaliers. Que de projets glorieux ainsi remis à plus tard !
Mais il fallait restaurer la puissance et, partant, l'administration royale sur ces terres. Sous peine, en cas d'échec, de voir la contagion s'étendre à d'autres provinces.
Avec cette nouvelle armée, le souverain Séleucide savait qu'il allait mener une longue et fastidieuse campagne. Contrôle des points d'eaux, des zones agricoles et des villages et petites cités qui ravitaillaient Arsace et permettaient ainsi à ses contingents d'aller et venir dans la province comme en pays conquis !
"A chaque village son fort, à chaque puit son fortin, à chaque ville sa garnison !" tel était le plan d'Antiochos !
Priver l'ennemi de ses possibilités de ravitaillement et le forcer, soit à évacuer la province, soit à livrer bataille.
Bataille que livrerait, non pas l’hétéroclite armée de l'Indus, destinée à assurer les garnisons des postes et fortins ainsi que les patrouilles régulières, mais l'armée de Syrie de Pentochlos !
Celle ci rassemblait quasiment toute l'élite des forces militaires de l'Empire !
L'Agema, puissante et glorieuse, les Taxis de Sarrissophores, les Peltastes Thraces, les frondeurs Rhodiens, les éléphants de guerre et, bien sur, nombre d'Asabaris de Susiane et de Perse.
Tel un fauve aux aguets, Pentochlos se tenait prêt à bondir. Profitant du travail fastidieux et harassant que menait l'armée du Roi des Rois.
"Un plan long. Mais un plan sur.", songea Antiochos.
A moins de trois stades du roi, quelques cavaliers dépenaillés et montés sur de petits chevaux vifs venaient de surgirent en haut d’un tertre.
Aussitôt quelques asabaris de Bactriane chevauchèrent dans leur direction. Décochant une volée de flèches avec leurs arcs en corne, ils jetèrent à terre quelques cavaliers médes puis disparurent de toute la vitesse de leurs robustes montures.
Le soir, le parti de cavaliers bactriens lancés à leur poursuite rejoignit la colonne, plusieurs d’entre eux manquaient à l’appel. Aucun ennemi n’avait été saisit…
Fin du printemps -251. Près de la petite ville de Nysa. Parthie du nord.
Arsace, Arschak le brave comme l’appelait les clans, désigna à son frère Tiridate l’immense bivouac de l’armée d’Antiochos qui s’étendait de part et d’autre de la bourgade.
Depuis le promontoire qui leur servait d’observatoire, les deux frères pouvaient également voir le fort en construction mais aussi, l’absence de guetteurs sur la face nord de l’immense campement.
« C’est jour sacré pour les contingent de Commagène mon frère… Il semble qu’on l’ait oublié dans l’entourage du roi des rois… Nos informateurs avaient raison. Ils sont occupés à leurs rituels et pas à leurs gardes.
Je frapperais au centre avec les cataphractes, tandis que tu couvriras mon flanc droit avec notre clan Parnii. Les Aparniens formerons la gauche.
On frappe ! On détruit puis direction le nord. A moins de cent stades les Sparnes et les Scythes de l’eau sont embusqués.
Allez ! Et que les Dieux soient notres ! ».
Alors que le soleil descendait à l’horizon mais qu’il restait plusieurs heurs de jour, les lourds cataphractaires se regroupèrent derrière leur roi dans une impeccable formation en coin. Leurs lourds chevaux étaient recouverts de cottes de mailles tout comme leurs cavaliers. Ils tenaient à 2 mains le lourd Kontos de plusieurs coudées et portaient une lourde épée aux flancs.
Formés essentiellement de l’élite de l’aristocratie nomade des Pharnii et des Aparniens ces lourds cavaliers étaient, dit on, capables d’enfoncer n’importe quelle unité.
Arsace les lança comme un ouragan à travers les postes des vedettes des Takbaras du Commagène, tout à leurs dévotions et aux festins qui devaient les accompagner. Ils balayèrent le camp Séleucide, tuant, renversant et incendiant.
Autour de l’immense tente royale d’Antiochos, les Argyraspides s’étaient formés en position de défense. Mur de boucliers d’argent que les cataphractes désorganisés par leur ruée à travers le camp n’osèrent affronter.
Tandis que de la droite et de la gauche des nués de flèches (dont certaines enflammées) vrombissaient au dessus du camp avant de hérisser celui-ci, dans un infernal vacarme de cris de douleur, les cataphractes rompirent le combat.
Quittant le camp en partie dévasté au trot, seule allure que pouvaient offrir leurs lourdes montures surchargées de fer, ils chevauchèrent vers le nord. Poursuivis par tous les cavaliers de l’armée de l’Indus, montés en selle précipitamment.
Furieux de cette attaque crépusculaire, les Asabari de Sogdiane, de Bactriane et d’Hyrcanie se ruèrent à la poursuite. Bientôt, hors les Argyrapsides restés autour des quartiers royaux, l’infanterie les suivit, Takabaras de Commagène, vexés et furieux, en tête.
Les Parnii et les Aparniens qui étaient sur les flancs rompirent le combat non sans faire pleuvoir une nouvelle pluie de flèches.
Alors que les Asabaris en tête de la poursuite commençaient à apercevoir le dos des derniers cataphractes, ceux-ci firent demi tour dans un ordre parfait. Et, tandis que les Parnii et Aparniens revenaient couvrir de traits les flancs de la poursuite séleucide, les Sparnes et les Scythes de l’eau, embusqués comme prévu, jaillirent de derrière les crêtes où ils étaient tapis.
Le flux s’inversa. Sous la charge des nomades en bon ordre, la nuée désorganisée des troupes d’Antiochos reflua, ne devant son salut qu’au déploiement des Hypaspistes. Derrière leurs boucliers blancs, l’armée se reforma malgré de lourdes pertes…
Arsace ne poursuivit pas.
« Nous nous retrouverons bientôt, Roi des Rois !» lança t il en faisant volter sa monture…
Fin de l’été -251. Au nord de Nysa.
Ariamazes, chef de guerre des Arstibara de Sughd (la Sogdiane des grecs), se tourna vers Diométros, officier détaché auprès de son contingent par Antiochos depuis le début de la campagne.
-« Vois ! Les cavaliers d’Arshack. Le Brave ! » rugit il en insistant sur ce dernier qualificatif.
-« Le Roi des Rois à interdit qu’on l’appelle ainsi, Ariamazes ! » se scandalisa le jeune officier hellène.
Le dynaste sogdien partit d’un immense éclat de rire qui fit tressauter sa barbe huilé sur son armure de feutre et de cuir.
-« Le roi des roi à interdit… » minauda t il d’une voie fluette que démentait l’éclair d’acier de ses yeux noirs. Inquiétants sous l’épaisse barrière de ses sourcils…
-« Trois bons pouces d’acier hyrcanien ! voila qui t’évitera de souffrir !" éructa t il en dégainant son épée et en transperçant de celle-ci la poitrine de Diometros, incrédule et stupéfait !
Le jeune officier voulut parler, mais ne sortit de sa bouche grande ouverte qu’une bulle sanglante.
-« Je t’ai dit Arshack Le Brave ! Il est le Gotarze ! L’héritier de Darius ! L’héritier des Achéménides ! Nous le servirons maintenant… » confia d’une voie posée le dynaste des Sughd au corps déjà mort de Diométros qui basculait de sa selle.
-« Pour Arshack le Brave ! » hurla Ariamazes ! Aussitôt imité par ses hommes. Plusieurs milliers de cavaliers de Sogdiane venaient ainsi de changer leur allégeance !
La colonne la plus avancée de l’armée de l’Indus n’était plus très loin du point de concentration que Antiochos voulait atteindre. Là il retrouverait l’armée de Syrie, peu engagée jusqu’alors.
La veille, le souverain Séleucide était partit à la rencontre de Pentochlos, escorté par ses Hypaspistes. Laissant le commandement de la colonne à Ariamazes, Dynaste des Sughds. Avec les Sogdiens étaient les contingents de Bactriane, de Commagène, d’Assyrie et de Mésopotamie. Asabaris aux chevaux maintenant fatigués, Takbaras bien loin de leurs collines, Arstibara épuisés et Sparabaras en rangs toujours serrés mais bien moins vaillants qu’à leur entrée en Parthie.
L’armée d’Arsace, que l’on avait traqué tout l’été, avait été signalée à quelques jours.
Les Dieux, dans leur mystère, avaient permis que l’antique lien entre les peuples de l’empire Achéménide déchu soit encore bien réels pour le dynaste des Sughds.
Aussi, quant les envoyés d’Arshack le Brave, menés par son frère Tiridate en personne vinrent le trouver, Ariamazes décida de rejeter son allégeance à Antiochos pour servir celui qui se prétendait l’héritier des Achéménides. Nul ne sut quels arguments, ni quels sorts avaient étés employés !
La trahison survint au pire moment.
Alors que la colonne de l’armée de l’Indus (fort réduite du fait des nombreuses garnisons disséminées de par toute la Parthie) rejoignait celle de Syrie, les cavaliers Parnii et Aparniens, précédant les cataphractes surgirent en silence sur le flanc couvert par la cavalerie de Sogdiane.
Celle-ci se joignit aux nomades, tandis que Scythes de l’eau et Sparnes se dévoilaient également à chaque extrémité de la ligne de bataille soudainement apparue d’Arshack.
Ce dernier lança immédiatement ses cavaliers légers, lesquels formaient la plus grande part de son armée, en avant.
Le soleil fut masqué par les nués de traits décochés par volées. La plupart des fantassins se trouvant en ordre de marche et donc dépourvus de leurs boucliers, les pertes furent terribles dans leurs rangs !
Alors que Arshack lançait ses lourds cataphractes en avant, poussant ainsi devant lui la masse des Sogdiens qui venait de le rejoindre afin d’éprouver leur nouvelle fidélité et leur ardeur guerrière, l’armée Séleucide, surprise, tentait désespérément de se mettre en ordre de bataille.
Les contingents des levées de la malheureuse armée de l’Indus furent les premiers atteints par la charge des Parthes, puisqu’on les nomme ainsi maintenant et furent quasiment anéantis.
Des Takabaras de Bactriane et de Commagène, des Asabaris de Bactriane, des Arstibaras d’Assyrie et des Saprabaras de Mésopotamie, bien peu survécurent ! Criblés de traits, balayés par la charge et achevés par leurs anciens frères d’armes !
La brêche ainsi formée aurait pu être fatale à l’armée Séleucide. Mais la véritable armée d’Antiochos n’était pas formée par les levées des Dynastes orientaux mais bien par les troupes qui composaient l’armée de Syrie.
Tandis que les frondeurs Rhodiens de Penthos et les Peltastes Thraces de Kermatos et de Chaitos se sacrifiaient pour permettre aux Phalanges de se former en bataille, le roi Antiochos, magnifique sur son étalon de bataille immaculé, chargeait à la tête de son Agéma !
Les héritiers des Compagnons d’Alexandre ne craignaient personne !
Le choc avec les Cataphractes fut terrible ! Comme une collision entre deux titans bardés de fer.
Nul ne prit vraiment l’avantage dans cette terrible mêlée. A la vaillance et la valeur des cavaliers d’élite de l’Agéma répondirent la puissance et l’acier des cataphractes.
Epuisées par cette confrontation que les Dieux eux-mêmes acclamèrent, les deux cavalerie lourdes rompirent le combat.
Les Phalanges étaient maintenant en ordre de bataille, flanquées par les peltastes et les Hypaspistes et Argyrapsides. Dans les intervalles des unités de Sarissophores se tenaient les éléphants de guerre.
Content d’avoir causés de très importantes pertes à son adversaire, Arschack se contenta d’harceler la ligne de bataille d’Antiochos avant de rompre le combat avec la nuit.
Si le Roi des Rois restait maître du terrain, ses pertes étaient terribles. A la destruction de nombreuses levées s’ajoutant la désertion pure et simple des cavaliers de Sogdiane…
L’armée Séleucide, laissant ses garnisons en place, repassa l’Atrak juste avant l’hiver. Arshack savait qu’Antiochos reviendrait…